Question orale au ministre de la Coopération au développement et au ministre des Finances
sur le reconnaissance des associations ONG habilitées à délivrer une attestation fiscale d'exemption d'impôt pour les libéralités d'un montant annuel cumulé de plus de 30 euros
18 décembre 2003

M. Pierre Galand (PS) - Aujourd'hui les organisations non gouvernementales de coopération au développement comme un certain nombre d'institutions reconnues de notre pays peuvent bénéficier, pour une période fixe renouvelable, de l'autorisation de délivrer des attestations fiscales.

La politique des pouvoirs publics en la matière consiste à encourager les donations et libéralités en vue de concourir à l'action internationale de coopération avec les pays du tiers monde. C'est une très bonne chose.

Un nombre important d'organisations non gouvernementales bénéficient ou ont bénéficié de cet avantage.Au cours des dernières années, plus de 240 ONG ont été agréées, 82 ayant leur siège en Flandre, 97 à Bruxelles et 70 en Wallonie.

Le ministre peut-il préciser quelle est la procédure de reconnaissance des ONG agréées ? J'aimerais aussi savoir quelles mesures sont prises pour s'assurer que des associations reliées à des sectes ou à des circuits douteux en matière de trafic d'enfants sont exclues de ces facilités d'accès aux libéralités.

M. Didier Reynders, ministre des Finances - En ce qui concerne la procédure de reconnaissance, l'élément nouveau intervenu en la matière sous la précédente législature est la tentative d'accorder des reconnaissances pour de plus longues périodes afin de ne plus confronter les associations, essentiellement des asbl, à des demandes renouvelées chaque année.

La procédure est bien en route, elle consiste à donner des reconnaissances pour trois, voire six ans. Cette simplification importante pour tout le monde nécessite parfois des contrôles accrus - et vous avez raison de poser la question - puisqu'on laisse la reconnaissance sortir ses effets pendant une assez longue durée.

En ce qui concerne les ONG, en matière de coopération au développement comme dans d'autres domaines, deux ministres sont compétents.
Le ministre des Finances a une compétence, je vais y revenir, mais il faut aussi une approbation de la part du ministre spécifiquement compétent pour la matière concernée, que ce soit à l'échelon fédéral, communautaire ou régional. En l'espèce, le ministre des Finances et le ministre de la Coopération au développement statuent conjointement sur les demandes d'agrément faites par les institutions qui assistent les pays en voie de développement. La demande est introduite auprès du ministre des Finances, lequel transmet le dossier aux contributions directes pour contrôle de la comptabilité et au service public fédéral Affaires étrangères.
À ce dernier stade, le dossier a souvent été complété par les renseignements obtenus de l'asbl demanderesse de l'agrément. Le ministre de la Coopération au développement communique sa décision au ministre des Finances, lequel transmet la décision finale à l'asbl. Tel est le circuit de la procédure.

Les asbl demanderesses de l'agrément doivent fournir tous les renseignements utiles à l'instruction de la demande d'agrément. La direction générale de la Coopération au développement insiste sur l'obtention de renseignements pertinents et donc entre autres contrôlables, en principe.

L'examen du dossier se fait presque toujours uniquement sur la base des documents introduits par l'asbl demanderesse de l'agrément. Si celle-ci ne répond pas ou insuffisamment aux demandes d'informations complémentaires, le dossier est jugé irrecevable pour manque de renseignements utiles à son instruction.

Il faut bien entendu tenir compte du fait que le législateur a voulu qu'un agrément soit possible dans ce cadre pour des institutions qui assistent les pays en voie de développement.
On ne pourrait donc pas refuser l'agrément en raison de l'impossibilité matérielle de contrôler les informations en provenance de l'organisation demanderesse de l'agrément si cette impossibilité ne trouve pas son origine auprès de l'organisation elle-même. Le fait que les renseignements soient moins contrôlables pour ces organisations est lié à la nature de leur activité qui est le plus souvent dirigée vers des pays étrangers (mis à part des activités de sensibilisation du public en Belgique).

Il est évident que le contrôle ne peut s'exercer exactement de la même manière dans tous les secteurs.

L'examen effectué par l'administration fiscale est plutôt axé sur la comptabilité et vise à déterminer la part des frais d'administration générale par rapport aux recettes de toute nature. Cette part ne peut excéder 20% des ressources. L'examen effectué par le département de tutelle - en l'occurrence la direction générale de la Coopération au développement - est, lui, orienté vers la pertinence du contenu des activités, en l'espèce la coopération, qui doivent être complémentaires aux activités exercées, dans le domaine visé, par les pouvoirs publics belges ou des organisations internationales dont la Belgique est membre.

Il va de soi que si en examinant la comptabilité, le département des Finances venait à découvrir des éléments utiles pour l'examen effectué par la direction générale de la Coopération au développement, il ne manquerait pas de les lui communiquer

.J'en viens aux points précis que vous avez soulevés, monsieur Galand. Il est assez rare que l'examen de la comptabilité nous fournisse des renseignements sur le caractère sectaire d'une organisation ou sur les autres infractions ou crimes que vous avez évoqués. Si une information de cette nature devait provenir d'une vérification comptable ou fiscale, le département de tutelle en serait avisé. Très souvent, le département de tutelle demande des renseignements complémentaires soit d'initiative, en fonction de l'analyse classique qui est faite du dossier par la Coopération au développement, soit à la suite de remarques qui sont adressées au département, remarques provenant des autorités judiciaires, des services de police ou de débats parlementaires. Dès qu'une information peut laisser supposer qu'il y a un risque dans les domaines que vous avez évoqués, la Coopération au développement est pratiquement obligée de demander des renseignements complémentaires. Si ceux-ci révèlent l'existence d'un problème, la Coopération peut refuser l'agrément. Le refus de communiquer des renseignements peut également être considéré comme une cause d'objection.
Voilà pour ce qui concerne la procédure.

J'ai évoqué la manière dont les services de la Coopération estimaient devoir effectuer leurs contrôles. Pour ce qui me concerne, il est évident que je me conforme toujours à l'avis des services du ministère de tutelle. Le contrôle des Finances vient en complément. Mais si le ministre en charge de la matière refuse l'agrément, le dossier n'est pas suivi d'effet.

Il conviendrait d'examiner des cas concrets pour pouvoir répondre plus avant à la situation que vous avez évoquée. En ce qui concerne le phénomène sectaire, une commission d'enquête parlementaire a élaboré un rapport dont il conviendra de tenir compte dans l'examen d'un certain nombre de demandes.

M. Pierre Galand (PS) - Je connaissais la procédure pour avoir longtemps travaillé à OXFAM. J'ai consulté cette liste pour procéder à une analyse statistique de l'image de la Belgique en matière d'exonération fiscale des ONG et j'ai eu la surprise de découvrir que certaines années, les ONG concernées étaient tout sauf des organisations de coopération au développement. Heureusement, ce n'est plus le cas. Le devoir de vigilance s'impose, surtout aujourd'hui, Bruxelles devenant une place importante d'échanges de financement en matière d'aide au développement, notamment via la Communauté européenne.
De nombreuses associations internationales dont les buts ne sont pas toujours très clairs - c'est un euphémisme ! - viennent de l'étranger et s'installent à Bruxelles afin de pouvoir bénéficier des financements publics de l'Union européenne. Parmi ces associations, certaines collectent des fonds sur le territoire belge afin de pouvoir prétendre à des exonérations fiscales et, par ce biais, participer indirectement à des réseaux de blanchiment d'argent.

Je ne souhaite pas mettre en cause les associations, mais consulter les organisations qui coordonnent le cofinancement - Coprogram pour la Flandre et Acodev pour la Wallonie - permettrait d'avoir un avis sur une série d'associations et d'éclairer le ministre de la Coopération et les services du ministre des Finances sur certaines pratiques d'ONG, qui relèvent soit de réseaux sans rapport avec la Coopération et participent du blanchiment soit de sectes qui viennent s'installer en Belgique. Je citerai les Mennonites que j'ai vus à l'oeuvre et qui ont d'incroyables capacités de levée de fonds ; ils travaillent dans le milieu des fonctionnaires européens et s'élargissent. La même chose vaut pour Humana. Nous avons donc intérêt à être extrêmement vigilants en la matière.

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