Question écrite du Sénateur Pierre Galand au Ministre des Affaires étrangères, Monsieur De Gucht, concernant la position
 de la Belgique suite à la signature par la Commission européenne d’un nouvel Accord de pêche avec le Maroc

5 octobre 2005


Monsieur le Ministre,

La Commission européenne a signé, le 28 juillet 2005, un nouvel Accord de pêche avec le Gouvernement du Maroc pour une durée de 4 ans, à dater de son entrée en vigueur prévue le 4 mars 2006.

Cet accord, qui, selon nos informations, couvre les espaces maritimes du Sahara Occidental, doit encore être approuvé par le Conseil et les Etats membres de l’UE.

Permettez-moi, Monsieur le Ministre, d’attirer votre attention sur quelques éléments de droit.

La Cour Internationale de Justice, dans son avis consultatif de 1975, a rejeté les prétentions de souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara Occidental et a dit que sa population devait se prononcer sur son avenir conformément au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (CIJ, Rec. 1975, p.60, par. 162) ;
L’administration de ce territoire par le Maroc n’est, d’ailleurs, pas reconnue par la communauté internationale :
Le Sahara Occidental est reconnu comme Etat souverain par un grand nombre d’Etats (74), le dernier en date étant l’Afrique du Sud ;
En ne se retirant pas du Sahara Occidental, le Maroc viole le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ;
L’accord de pêche Maroc/ UE contribue à la violation de ce droit. La CIJ a d’ailleurs déclaré dans l’affaire du Timor Oriental (qui portait sur une question analogue à celle-ci : un accord entre l’Australie et l’Indonésie sur l’exploitation des ressources du Timor Gap) que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes était « l’un des principes essentiels du droit international contemporain », un principe valable erga omnes liant toute la communauté internationale (CIJ, Rec.1995, p.102, par. 29) et cité par la Commission du droit international au nombre des normes impératives du droit international (jus cogens) (Rapport CDI, 2001, doc.A/56/10, fr., p.305) ;
Un accord en conflit avec une norme de jus cogens est nul en vertu de l’art.53 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités ;
De manière générale, le Maroc, en disposant des espaces maritimes d’un territoire qui ne lui appartient pas, aliène des droits qu’il ne possède pas, ce qui est contraire au principe de droit bien connu nemo plus juris transferre potest quam ipse habet ;
De manière plus spécifique, le Maroc viole aussi le principe de la souveraineté permanente des peuples sur leurs ressources naturelles (A/Rés. 1803 (XVII), 14 déc. 1962 ; pactes de 1966 relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, civils et politiques, art. commun 1 par.2), un droit qui, comme corollaire de la souveraineté internationale et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, fait partie du droit international coutumier (lettre du Conseiller juridique des NU, H Corell, au Président du Conseil de sécurité à propos, justement, d’accords de prospection pétrolière envisagés par le Maroc à propos du Sahara Occidental, 29 janv.2002, doc. ONU S/2002/161, par.14) ; ce droit ne serait pas violé s’il était exercé dans le respect « des intérêts et de la volonté du peuple du Sahara Occidental » (ibid., par.25) ; mais, précisément, les représentants du Sahara Occidental, n’acceptent pas que le Maroc dispose ainsi des ressources naturelles de leur territoire.

Compte tenu des arguments de droit énoncés, la Belgique peut-elle obtenir de la Commission que l’Accord de pêche avec le Maroc se limite aux eaux territoriales marocaines selon le tracé des frontières internationalement reconnues à ce pays ?

Je vous remercie.


Pierre GALAND
5 octobre 2005

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