Au ministre de la Coopération au développement sur
«l’éducation et la décentralisation de la coopération au développement»
1er avril 2004


M. le président – Mme Marie Arena, ministre de la Fonction publique, de l’Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l’Égalité des chances, répondra au nom de M. Marc Verwilghen, ministre de la Coopération au développement.

M. Pierre Galand (PS) – Différentes études réalisées dans les pays européens démontrent que l’opinion publique est encore très largement favorable à la coopération au développement. En Belgique, il ressort même des différents sondages que les Belges estiment que notre pays n’en fait pas assez pour lutter contre le sous-développement dans de nombreux pays du Sud. Par contre, les mêmes études témoignent que les connaissances du public restent assez vagues en ce qui concerne l’aide publique au développement. Les résultats en ce qui concerne la classe d’âge 15-25 ans sont inquiétants. Ils laissent apparaître qu’elle est la moins informée sur les questions de coopération au développement et que son sentiment de solidarité envers les pays moins avancés est beaucoup moins prononcé que celui des populations plus âgées.

Si tel est le cas, le ministre peut-il me dire si ces mêmes tendances s’observent en Belgique et s’il est donc nécessaire de consacrer plus de moyens financiers et de ressources humaines en vue d’accroître rapidement la sensibilisation et l’éveil aux difficultés rencontrées par les populations des pays moins avancés et à l’éducation au développement ? Je puis quant à moi vous assurer que ces tendances se confirment.

L’information et l’éducation doivent être faites via les canaux les plus appropriés et les plus compétents, à savoir l’enseignement et l’éducation permanente, les entités locales, les ONG, les mouvements de jeunesse, la presse, les médias audiovisuels et Internet. Il est également urgent de procéder à la mobilisation des ressources humaines par la formation de formateurs et par l’éducation permanente.
Le ministre estime-t-il avoir encore les compétences en ces matières puisqu’elles ont été conférées aux Communautés et aux Régions ? Afin d’éviter le désintérêt des jeunes générations pour la coopération Nord-Sud, avec les conséquences désastreuses que cela peut avoir sur leurs mentalités, le ministre pourrait-il sans tarder engager la réforme de la coopération au développement prévue par l’accord du Lambermont du 23 janvier 2001 et confirmée dans l’accord de gouvernement ?

Le ministre peut-il envisager de procéder à une première étape consistant à transférer aux Communautés et aux Régions la coopération bilatérale indirecte, les matières d’éducation au développement y étant rattachées ? Cette coopération bilatérale indirecte ne devrait-elle pas, dans le même temps, être la principale bénéficiaire de l’augmentation budgétaire à laquelle le gouvernement s’est engagé pour 2005 ?
Le ministre peut-il envisager par la suite que la deuxième étape au budget 2006 ait comme finalité le transfert aux Communautés et aux Régions de l’ensemble de la coopération bilatérale ? L’échéance 2006 permettrait aux entités régionales et communautaires de se préparer dès maintenant à cette nouvelle coopération décentralisée.

La troisième étape consisterait alors à négocier en 2007 le transfert ou l’usage des cotisations volontaires non obligatoires de la Belgique aux organismes multilatéraux de coopération internationale.
Cette mise de la coopération au développement en relation de proximité avec les citoyens n’est-elle pas la meilleure manière de garantir sa pérennité avec leur assentiment, en particulier avec celui de la génération montante ?

L’ensemble de la réforme ne devrait-elle pas reposer sur trois axes, à savoir l’intérêt et la participation du citoyen à la coopération au développement, la recherche d’une nouvelle dynamique et d’exigences actualisées pour la coopération au développement décentralisée et le respect des engagements de la Belgique pris à Monterrey, en avril 2003, et des objectifs de développement pour le millénaire pris lors du sommet du Millennium des Nations unies en 2000 ?

Je remercie Mme Arena qui, pour la deuxième fois, a accepté de répondre au nom de M. Verwilghen.

Mme Marie Arena, ministre de la Fonction publique, de l’Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l’Égalité des chances – Je crains que les informations que m’a communiquées le ministre Verwilghen ne répondent pas à toutes les questions très précises que vous avez posées.

Les autorités publiques fournissent déjà un effort considérable en matière d’éducation. Entre 1998 et 2002, le budget consacré à l’éducation a été doublé, puisqu’il est passé de 5,7 à 10,8 millions d’euros, puis s’est stabilisé autour de ce chiffre qui correspond à environ 13 % du budget total du cofinancement ONG.
L’éducation au développement est de moins en moins tributaire de la récolte de fonds.

Pour avoir un impact sur le grand public, les ONG, contrairement aux pratiques en cours en matière de coopération bilatérale directe, entretiennent des contacts avec une multitude de groupements : églises, syndicats, organisations sociales... De plus, elles entretiennent des rapports étroits avec le parlement.

L’éducation au développement a, au fil du temps, évolué vers un processus de travail éducatif. L’information concernant le travail des organisations partenaires sur le terrain – une relation étroite unit l’éducation au développement et sa promotion – a évolué vers le développement d’une continuité éducative : sensibilisation, politisation, activation et consolidation.

Cette stratégie à long terme sert d’indicateur pour formuler les priorités dans l’offre actuelle en matière de formation.

À l’avenir, cette harmonisation accrue entre l’offre et la demande devrait pourtant mettre davantage l’accent sur la demande, notamment celle qui émane de groupes cibles moins évidents, voire difficiles. La notion clé est, ici, l’investigation à la base. Il existe en Belgique peu de rapports récents ou systématiques concernant la façon dont l’opinion publique pense ou agit en matière de solidarité internationale.
Quelle est, par exemple, la motivation de la jeunesse à découvrir et à approfondir les aspects sociaux, économiques, culturels, politiques, historiques et géographiques concernant la coopération avec l’Afrique centrale ?

Quel est le défi nouveau des technologies modernes de communication en termes d’ONG et d’éducation au développement ?

Des investigations à la base peuvent assurer le contact permanent avec la mentalité toujours en évolution des groupes cibles, avec leur perception changeante des problèmes de développement et avec le rôle toujours plus grand de l’expertise locale ou de l’expertise existant dans les milieux immigrés.
Il conviendrait d’envisager l’élaboration participative d’une note stratégique – impliquant les pouvoirs publics et les ONG – en matière d’éducation.

Le caractère participatif paraît cependant essentiel au ministre.

M. Pierre Galand (PS) – Mme la ministre aura compris que M. Verwilghen ne m’a pas répondu. Il me semble important de prendre en considération les observations que j’ai pu formuler en la matière. En effet, j’ai moi-même dirigé une ONG très importante. J’ai aussi été le coordinateur des ONG européennes.
Toutes les enquêtes réalisées dans des pays proches de la Belgique témoignent du fait que s’il subsiste un intérêt général pour la coopération, du fait que moins de volontaires qu’auparavant partent dans les pays en voie de développement et que les objecteurs de conscience qui remplaçaient le service militaire par un service civil ont disparu, les jeunes arrivant maintenant à l’âge adulte sont moins intéressés par la coopération au développement. Je voulais lancer un cri d’alarme.

Dans sa réponse, le ministre parle des pouvoirs publics. Je lui fais remarquer que ceux-ci sont en mesure d’agir pour autant qu’on leur en donne les moyens. Les pouvoirs publics concernés par ces matières sont, à l’heure actuelle, les lieux de formation scolaire, les radios et télévisions publiques, les centres d’éducation permanente... Tous ces acteurs dépendent à présent des Communautés et des Régions.

Je sais, pour l’avoir vécu, qu’il n’y a plus d’articulation entre un ministre fédéral de la coopération qui est sur son petit nuage au Fédéral et ce qui se passe dans nos communautés, au jour le jour.

En tant que président du Centre National de Coopération au Développement, je tentais d’avoir des contacts avec mon collègue de Flandre et j’y parvenais une fois par an. C’est vous dire à quel point nous sommes séparés aujourd’hui. Nous nous retrouvons lorsque nous discutons de ce que nous faisons ensemble, par exemple, pour des jumelages de villes ou d’universités, entre autres, au Congo. Nous parvenons à nous retrouver sur des terrains pratiques mais lorsqu’il s’agit de notre façon de nous organiser et de programmer notre action, force est de constater que nous sommes entrés dans un processus de communautarisation des préoccupations. Ainsi, pour la première fois cette année, le thème de la campagne 11.11.11 sera différent au nord et au sud du pays, car les mécanismes de prise de décision sont différents.

J’attire votre attention sur ce point car la situation à venir sera caractérisée par la méconnaissance, laquelle entraîne des attitudes racistes et l’incompréhension mutuelle. Il faut prendre au sérieux cette question de la décentralisation et j’y reviendrai. J’espère que le ministre pourra me donner une réponse plus structurante.

M. le président – Je comprends d’autant mieux votre demande, monsieur Galand, que l’on a voté, au cours de la législature précédente, une loi à majorité spéciale visant à créer un groupe de travail en cette matière.
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