Conférence internationale à l’occasion de la Célébration du 50ème anniversaire de la Résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 de l’Assemblée Générale des Nations Unies portant Déclaration sur l’Octroi de l’Indépendance Aux Pays et Aux Peuples Coloniaux

Communiqué de presse

Alger, les 13 et 14 décembre 2010.

« C’est lorsque la nuit est la plus noire que pointe l’aurore…… »

Le XX ème siècle restera dans l’histoire comme le plus cruel et le plus sanglant de l’aventure humaine. Le colonialisme, les deux guerres mondiales, l’exploitation et l’exclusion de milliards d’humains auront constitué les pires génocides de masse de l’humanité.

Face à ces crimes contre l’humanité, dont les causes essentielles sont à rechercher dans les structures nationales et internationales de l’impérialisme des puissances économiques, des mouvements populaires de masse ont opposé leur résistance et leurs exigences.

Face à l’oppresseur, les opprimés ont toujours su, sauront toujours affirmer leur dignité. Contre l’oppresseur, les opprimés ont appris comment briser leurs chaînes et à entreprendre leur émancipation.

Paul Nizan n’écrivait-il pas "aussi longtemps que les hommes ne seront pas complets et libres, assurés sur leurs jambes et la terre qui les porte, ils rêveront la nuit » et Franz Fanon complétait en disant « Pendant la colonisation, le colonisé n’arrête pas de se libérer entre neuf heures du soir et six heures du matin ».

Mais c’est Fanon qui dira aussi dans les Damnés de la Terre : « Les répressions, loin de briser l’élan, scandent les progrès de la conscience nationale. Si en effet, ma vie a le même poids que celui du colon, son regard ne me foudroie plus, ne m’immobilise plus, sa voix ne me pétrifie plus. Je ne me trouble plus en sa présence. Pratiquement, je l’emmerde. Non seulement sa présence ne me gêne plus, mais déjà je suis en train de lui préparer de telles embuscades qu’il n’aura bientôt d’autre issue que la fuite. »

Ces combats correspondent à autant de massacres par l’armée coloniale, mais ils sont liés, avant tout, aux progrès de la conscience nationale et internationale des peuples du Sud. Heureusement aussi, ces combats ont été soutenus par des Comités de solidarité dans les pays coloniaux, et surtout, par les Etats socialistes dès après la deuxième guerre mondiale.

Les empires coloniaux vont ainsi se désintégrer progressivement sous le choc des luttes de libération nationale. La victoire des forces de libération du Vietnam en 1954 et le déclenchement de la lutte du F.L.N. algérien la même année sonneront le glas du colonialisme. A Bandung, dès 1955, les Etats afro-asiatiques condamnent le colonialisme dans toutes ses manifestations.

Comme le souligne le professeur Pierson-Mathy, « 1960 est une année cruciale dans la lutte pour l’indépendance des peuples : dix-sept Etats africains accèdent à l’indépendance et deviennent membres de l’ONU. La même année, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait à la quasi-unanimité, la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux peuples et territoires coloniaux à l’initiative de l’U.R.S.S. ». C’est la résolution 1514, dont nous célébrons aujourd’hui le 60ème anniversaire. 

Durant toute la décennie qui précéda,  l’Assemblée générale des N.U. avait cherché à préciser les droits des Territoires Non-Autonomes (T.N.A.),  qui visent à affirmer le droit à l’autodétermination des peuples coloniaux, fondé sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, principe déjà contenu dans l’Article 1 de la Charte des Nations Unies.

« C’est ainsi que dès sa 5ème session, l’A.G. reconnaissait que l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes était un préalable au respect des droits de l’homme et que la 1514 (XV) sera considérée comme la véritable Charte de la décolonisation ».[1]

Soucieux d’intégrer cet acquis essentiel de la décolonisation, des membres éminents du Tribunal Russell sur le Vietnam de 1962 et du Tribunal Russell sur l’Amérique Latine de 1975 s’attelleront à rédiger un complément à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, une « Déclaration Universelle des Droits des Peuples ». Celle-ci sera adoptée par la société civile réunie à Alger le 4 juillet 1976.

Cette déclaration, qui ne sera jamais prise en considération par les Nations Unies, servira de base au Tribunal permanent des Peuples créé par la Fondation Lelio Basso à Bologne en Italie le 24 juin 1979.

Si je vous parle du Tribunal permanent des Peuples, c’est parce qu’il tiendra sa première session à Bruxelles, les 10 et 11 novembre 1979, qui aura pour thème « Le droit à l’autodétermination du Peuple sahraoui ».

J’y ai participé en tant que président des Comités européens de soutien au peuple sahraoui, avec le secrétaire général du Tribunal, Dr. Gianni Tognogni, le coordinateur général.

Signe de notre détermination commune à faire progresser sans cesse l’application du droit à l’autodétermination des peuples, c’est avec le même Dr. Gianni Tognogni et une formidable équipe que, cette année,  nous avons organisé,  à Barcelone (en mars 2010) et à Londres (en novembre 2010), les deux premières sessions du Tribunal Russell sur la Palestine.

Ce qui caractérise les travaux tant du Tribunal permanent des Peuples sur le Sahara Occidental que du Tribunal Russell sur le Vietnam, l’Amérique Latine ou la Palestine, c’est la volonté exprimée par les mouvements de solidarité, les défenseurs de droits des peuples de poursuivre inlassablement la lutte pour le droit imprescriptible et inaliénable à l’autodétermination ;  et « pour le rétablissement des droits fondamentaux d’un peuple, lorsqu’ils sont gravement méconnus – devoir qui s’impose à tous les membres de la Communauté internationale, Article 30 de la Déclaration universelle des droits des peuples ».

Il est démontré aujourd’hui, grâce à  la contribution remarquable d’associations citoyennes, que des Etats en Europe, en Amérique du Nord, mais aussi de grandes sociétés transnationales sont responsables de complicités avec les Etats d’Israël et du Maroc, qui occupent illégalement et violemment l’un la Palestine, l’autre le Sahara Occidental.

J’ai coutume de dire qu’il existe la « centralité » de la question palestinienne et « l’exemplarité » de la question sahraouie. Toutes deux concernent les pays du pourtour méditerranéen, toutes les deux sont des questions de décolonisation résultant de puissances européennes, la Grande Bretagne et l’Espagne. Toutes deux pourraient trouver une solution conforme aux résolutions des Nations Unies et au droit international humanitaire,  si les pays des deux rives de la Méditerranée s’y attelaient sérieusement.

C’est la raison d’être des deux grandes coordinations européennes de solidarité internationale avec la Palestine et le Sahara Occidental. C’est non seulement une exigence de solidarité mais aussi un combat pour sauvegarder et faire aboutir, au profit de tous les peuples, le droit inaliénable à l’autodétermination prévu par la résolution 1514.

J’ai dit la centralité de la question palestinienne car la Palestine, indépendante dans les frontières de 1967, sera demain avec Israël comme la reliure d’un livre entre les deux rives de la Méditerranée.

J’ai dit exemplarité de la question sahraouie car il s’agit d’un petit peuple exemplaire, qui au travers de son mouvement de libération nationale, le Front Polisario, a déposé les armes en 1990,  pour permettre à l’ONU d’organiser le referendum d’autodétermination accepté en 1989 par les deux parties au conflit, le Front Polisario et le Maroc.

Exemplaire parce que 20 ans plus tard, les responsables du Front Polisario continuent de privilégier la voie diplomatique et la négociation avec l’occupant et que le Peuple sahraoui poursuit, par des actions pacifiques, telles en 2009 la grève de la faim d’Aminatou Haidar et récemment, en octobre 2010, le camp de l’Espoir et de l’Indépendance, pour revendiquer le respect de son droit inaliénable à l’autodétermination,  au terme de la résolution 1514 (XV).


Pierre GALAND,
Alger – 13-14 décembre 2010.


[1] Cf. Paulette Pierson-Mathy


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