BIENVENUE EN PALESTINE
Chronique d'une saison à Ramallah

par Anne BRUNSWIC,
Editions Acte Sud











Discours d'Anne Brunswic,
Reuilly, 24 mai 2004

Assez de dénonciations hypocrites du terrorisme ! Une force internationale de protection est le meilleur moyen de faire reculer la violence.
En Europe, ce qui prévaut aujourd’hui concernant le Moyen-Orient est une approche humanitaire qui ne s’émeut que lorsque le sang coule. C’est ce que les médias appellent « reprise de la violence » (comme si celle-ci avait cessé dans l’intervalle !). Cette approche ne reconnaît pas de sujets historiques ni de combattants mais des victimes. Dans cette balance des souffrances comparées, les Juifs se présentent aux yeux des Européens comme les victimes « par excellence ». Et les Palestiniens (appuyés par le monde arabe) apparaissent peu ou prou comme leurs nouveaux persécuteurs.

A l’inverse, toute approche politique fait apparaître un Etat occupant et un peuple occupé. Un Etat d’Israël qui, grâce à sa supériorité militaire et ses alliés puissants, a largement outrepassé les droits que la communauté internationale lui a reconnus (aux dépens des Palestiniens). Et une population autochtone palestinienne dont les droits sont constamment bafoués et qui n’est en réalité jamais sortie d’un statut colonial. au moins. Pour un Européen n’ayant pas la mémoire trop courte, qui dit «occupation» dit nécessairement, « résistance », droit et même devoir de résistance. Or l’Europe ne mentionne dans aucun de ses documents ce droit pourtant fondamental.

Au contraire, elle a classé officiellement comme « terroristes » la plupart des organisations de résistance palestiniennes qu’elles soient d’inspiration islamiste, nationaliste ou marxiste. Rappelons que selon le dernier bilan établi par B’Tselem, 31% des victimes israéliennes sont des militaires ou des policiers, 23% des colons. Rappelons aussi que l’opération actuelle baptisée « Arc-en-ciel » a été déclenchée à la suite de la mort de 13 soldats israéliens tués à Gaza alors qu’ils convoyaient des chargements de dynamite, par des organisations de résistance qualifiées par l’UE de « terroristes ».

L’Union européenne, conformément au document intitulé « Feuille de route », pose comme préalable que l’Autorité palestinienne engage un combat résolu contre le terrorisme. Le chancelier Gherart Schroeder le rappelait encore il y a quelques jours au sortir d’une conférence avec le premier ministre palestinien et la secrétaire d’Etat américaine aux affaires étrangères. Mais le terrorisme se nourrit au quotidien des multiples violences et dénis de droits infligés au peuple palestinien par les forces d’occupation, militaires et civiles. L’Autorité palestinienne ne dispose d’aucune force armée capable de s’y opposer.

Dans ces conditions, les Palestiniens que j’ai rencontrés pendant mon séjour à Ramallah, quelle que soit leur génération ou leur condition sociale, y compris les plus modérés et les plus hostiles à la militarisation de l’Intifada actuelle, accordent un soutien au moins moral à ceux qui risquent leur vie pour porter des coups aux occupants. Aux yeux des Palestiniens, chaque action pacifique ou violente, - qu’elle vise des militaires, des colons et même des civils – fait payer à l’occupant le prix de l’occupation (« le prix du sang et des larmes » comme le dit tragiquement notre Chant des partisans). Chaque opération manifeste que les Palestiniens ne sont pas à genoux, qu’ils n’ont pas renoncé à rentrer dans leurs droits.

Le préalable à toute lutte contre le terrorisme, c’est une protection garantie par une force internationale déployée sur le terrain.

Ce qui obscurcit toute l’approche européenne de conflit, c’est une fausse symétrie maintenue entre l’occupant et l’occupé, entre le renard et la poule. L’Europe demande à l’occupé de faire des efforts afin que l’occupant consente à remplir quelques uns de ses engagements. Et le premier effort qu’on demande à l’occupé est de renoncer à la résistance armée. Il faut savoir que, dans les conditions présentes de la Palestine, il n’existe quasiment plus d’espace pour la résistance non-violente. Les manifestations pacifiques contre les expropriations sont invariablement réprimées par des tirs à balles réelles et seule la présence de de pacifistes israéliens ou d’internationaux parvient à modérer quelque peu la violence de la répression militaire. L’Europe ne dit pas un mot sur la violation permanente par Israël de la Convention de Genève assurant la protection des populations occupées. L’Europe ne proteste pas contre la mise en procès comme un vulgaire criminel de droit commun de Marwan Barghouti, un des plus éminents et des plus respectés responsables de la résistance palestinienne.

Ma question à tous les candidats briguant un mandat au parlement européen :
Quels efforts comptez-vous engager pour faire assurer par une force de protection internationale la sécurité du peuple palestinien, qui seule permettra de faire reculer la violence ?


Une éducation à la paix, aussi en Europe
Aujourd’hui, nous redoutons que le conflit israélo-palestinien ne soit exporté dans nos pays européens. Vu de l’autre côté de la Méditerranée, c’est bien l’Europe qui a exporté ses problèmes. Il serait temps de reconnaître la responsabilité des Etats européens dans l’origine de ce conflit.

- La responsabilité des Etats européens modernes (y compris parmi les nouveaux entrants d’Europe de l’Est) qui ont fait de l’antisémitisme une politique d’Etat avant, pendant et après le IIIe Reich, sous des régimes fascistes, nazis et communistes.
- La responsabilité des Etats européens démocratiques qui ont refusé le droit d’asile aux juifs persécutés ou l’ont bafoué en internant les réfugiés puis en les livrant à leurs bourreaux.
- La responsabilité des puissances coloniales Britannique et Française. Les Britanniques (à partir de la déclaration Balfour en 1916) qui ont fait avorter le processus de décolonisation. L’agression franco-britannique contre le canal de Suez en 1956. Sans parler du décret Crémieux qui a dissocié les Juifs du monde arabe et a créé les bases de leur émigration massive.

Qu’apprend aujourd’hui à un lycéen français, anglais, allemand, polonais, lituanien ou espagnol sur les origines du conflit ? L’Union européenne qui s’est montrée par le passé si soucieuse du contenu des manuels scolaires palestiniens (et pas des manuels israéliens ni de ce qui s’enseigne dans nos écoles confessionnelles et communautaires en Europe) ferait sans doute bien de se soucier d’une présentation plus juste des causes du conflit israélo-palestinien dans nos propres manuels et dans notre enseignement. Cette information historique n’étant pas donnée par les institions académiques qualifiées est abandonnée aux organisations partisanes sionistes et anti-sionistes qui en donnent des versions propagandistes qui attisent le conflit.

Ma seconde question :
Que comptez-vous faire pour donner aux jeunes Européens une formation historique convenable sur les racines du conflit israélo-palestinien ? Dans le même ordre d’idées, à quand des excuses au peuple palestinien sur lequel les Européens se sont déchargés de leur dette envers les Juifs et que les puissances coloniales ont privé du droit à l’autodétermination ?

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