Alors que le nouveau chef de gouvernement israélien, Monsieur Olmert, confirme son plan d’extension de l’occupation de la Palestine en Cisjordanie, le long du Jourdain ; alors que les consuls européens dénoncent la construction du Mur d’enceinte et d’isolement de Jérusalem-Est, ce sont les Palestiniens que les Etats-Unis ont décidé de condamner, rapidement suivis par le Canada. L’Union européenne, pour laquelle les relations euro-méditerranéennes revêtent une importance singulière, particulièrement au Proche-Orient, n’a pas résisté aux pressions étasuniennes et s’est, elle aussi, alignée.
Les Européens oublient-ils qu’ils n’ont pas protesté lorsque les chars israéliens ont envahi, puis détruit des centaines de maisons palestiniennes, détourné l’eau des nappes phréatiques palestiniennes et détruit des milliers de donums de terres arables en Palestine.
La haute-représentante de l’UNRWA, Madame Karen AbuZayd, de passage à Bruxelles le 21 mars dernier, s’est dite profondément inquiète de la ruine économique de la Palestine, consécutive aux obstacles multiples déployés par l’armée israélienne dans les territoires occupés.
En décrétant suspendre l’aide à l’Autorité Palestinienne et vouloir maintenir l’aide humanitaire, l’Europe va empêcher le fonctionnement des institutions résultant des Accords d’Oslo, qu’il s’agisse de la sécurité, de la santé, de l’éducation. En réduisant un peu plus les Palestiniens à des assistés, n’est-ce pas prendre le double risque de pousser les plus courageux à des actes renouvelés de résistance armée et les autorités vers les régimes arabes en vue d’obtenir, en Iran ou ailleurs, les fonds indispensables à leur survie.
Qu’il faille condamner sans réserve les attentats suicides contre des populations civiles ne fait aucun doute.
Qu’il faille faire pression sur le Hamas pour que ce gouvernement endosse les accords signés par l’OLP lors des Accords d’Oslo, c’est normal. Pour qu’il accepte les principes contenus dans la feuille de route, c’est encore normal. Pour qu’il abandonne les éléments inacceptables de sa charte fondatrice à l’encontre d’Israël, toujours normal. Mais qu’il soit tout aussi normal d’exiger d’Israël de se conformer à l’Avis de la Cour de Justice Internationale de La Haye du 9 juillet 2004 et qu’il soit tout aussi normal que les Etats Européens et les Nations Unies se conforment à la résolution ES-10/15 de l’AG des Nations unies du 20 juillet 2004.
Si les Européens s’étaient engagés avec plus de cohérence tant pour la mise en œuvre de la feuille de route du Quartet que pour l’application de l’avis de la CIJ, le Hamas n’aurait pas gagné les élections, et un Etat palestinien viable aurait vu le jour en décembre 2005 comme l’avait promis le Quartet. En laissant aux Etats-Unis la main au Proche-Orient, en négligeant de promouvoir un espace euro-méditerranéen conforme aux aspirations des peuples de la région, notamment en matière de démocratie et de respect des droits de l’homme, les Européens se sont privés de toute capacité de gestion de leur environnement immédiat.
Les Etats-Unis dictent dès lors leur propre stratégie : « Great Middle East » d’une part, accords OTAN d’autre part. L’Union Européenne, l’ONU mais aussi l’Union Africaine sont totalement marginalisés. Les règles de la co-existence, de la régulation des conflits dans le cadre de l’ONU et du droit international sont bafouées depuis la guerre de Monsieur Bush pour le rétablissement de la démocratie en Irak. Pourquoi dès lors Israël ne se mettrait-elle pas aussi un peu plus hors la loi, bénéficiant même en Europe de l’impunité ?
Il est temps que nos autorités prennent la mesure de leur inconsistance en matière de relations avec le monde arabe et de leur lâcheté dans le conflit du Proche-Orient.
Les opinions publiques européennes et arabes ne sont pas disposées à laisser leurs responsables des relations internationales abandonner aux Etats-Unis et à l’administration Bush le monopole suicidaire de la gestion méditerranéenne.
Au travers des multiples rencontres des Forums sociaux se dessinent des formes nouvelles de mobilisation qui permettront, espérons-le, de recadrer les priorités de la co-existence et de la coopération entre le Nord et le Sud de la Méditerranée une coopération fondée sur le droit à l’autodétermination des peuples, en particulier celui de Palestine, une coopération fondée également sur la dénucléarisation militaire de tout le pourtour de la Méditerranée et de la mer elle-même.
Pierre Galand
18 avril 2006