Rafah, livrée à la sauvagerie militaire

Nous étions sept, sénateurs et députés, à arpenter les rues de Rafah à la mi-avril dernier. Le maire de la ville, Saïd Zouarab, nous avait accueillis et conduits vers les quartiers frontières avec l’Egypte. C’était la désolation. L’armée de M. Sharon avait déjà rasé 2.018 maisons depuis le début de l’Intifada afin de créer un no man’s land hideux séparant, d’une part, la ville et les camps de réfugiés, et d’autre part, la frontière entre la bande de Gaza et l’Egypte. Au loin, on apercevait le drapeau flottant sur la ville frontière égyptienne.

Le maire nous raconta le drame de ces gens sans abris, l’asphyxie économique de cette ville de quelques 200.000 habitants qui compte 75 % de réfugiés et le sous emploi chronique touchant 80 % de la population. La visite continua à l’intérieur de la ville. Là aussi, c’était la désolation. D’autres ruines de maisons rasées sans motif. Elles servent de plaines de jeux à des enfants pieds nus. La misère est effroyable, impossible de réparer les conduites d’eau, les égouts éventrés, tout est détruit, se lamentait le maire. « En quoi est-ce une question de sécurité pour Israël ? », nous interpellait-il. « Ils tirent tout le temps. Regardez ces façades, » nous disait-il en arrivant au lieu dit Bloc 0. Sur 300 mètres, les maisons encore debout sont éventrées, inhabitables. Des gens tentent d’y survivre, sous des bâches. D’autres maisons construites récemment avec l’argent de l’Union européenne ont déjà été bombardées. « Merci pour votre argent ! », ironisait le maire qui poursuivait : « ils tuent sans respect aucun des règles de la guerre et du droit humanitaire. Sommes-nous des humains à leurs yeux ? C’est inhumain, révoltant. Ils ont tué aussi toute vie civile à Rafah. Leur sécurité est de nous détruire », disait le maire avant de conclure : « mais nous résistons. A vous d’empêcher Israël et son gouvernement de poursuivre ce carnage », disait-il le 17 avril 2004.

Un mois plus tard, jour pour jour, l’opération « Arc en ciel et nuage » est déclenchée malgré les condamnations et protestations internationales. Le gouvernement de M. Sharon, avec la caution de la Cour suprême israélienne, permet à son armée de tuer en trois jours plus de 50 personnes, d’en blesser plusieurs centaines, de détruire des dizaines de maisons supplémentaires, laissant un millier de sans abris en plus. Les ambulances sont bloquées, les hôpitaux débordés et Rafah est déclarée zone militaire interdite d’accès même aux humanitaires.

L’urgence aujourd’hui est d’empêcher M. Sharon de perpétrer à Rafah un autre crime contre l’humanité, de la même nature que celui commis à Sabra et Chatila. Nous devons agir et réclamons que la Belgique et les autres Etats européens, « Hautes parties contractantes de la IVe Convention de Genève » convoquent d ’urgence une Conférence pour juger ce que même des parlementaires et des journalistes israéliens ainsi que des ONG internationales qualifient déjà de « crimes de guerre ». Nous appelons le secrétaire général de l’ONU à inviter le Conseil de sécurité à intervenir en déployant une force de paix et d’interposition sur
les frontières entre Israël et les territoires palestiniens de Gaza et de Cisjordanie.

Nous réclamons de l’Union européenne qu’elle s’active pour mettre en œuvre le processus de suspension de l’accord d’association U.E.-Israël pour violation caractérisée des Droits de l’Homme, telle que prévue par l’article 2 de la Convention euroméditerranéenne de Barcelone.

L es sénateurs Sfia Bouarfa, Jacinta De Roeck, Jean Cornil, Pierre Galand
Les députés Karinne Lalieux, Mohammed Boukourna, Alain Mathot

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