Colloque Logement

28 juin 2004
Organisé par l’asbl Espace citoyen

Communiqué
Rénovation des centres-ville et accès au logement


Ce 28 juin 2004, l’asbl Espace Citoyen organisait à La Louvière, dans les locaux du SETCa, un premier colloque « logement » sur les thèmes de la rénovation des centres-ville en Wallonie et à Bruxelles et de la relance du logement modeste et moyen.

Cette rencontre, qui s’est déroulée sous la présidence du Sénateur Pierre Galand, a vu se succéder des interventions de haute qualité qui ont chacune apporté un éclairage différent au thème de la journée.

En ouvrant la journée, Pierre Beauvois, président de l'asbl Espace citoyen, a rappelé l’ampleur des besoins et la nécessité de faire un inventaire précis des logements vides tant à Bruxelles qu’en Wallonie. Le taux d’épargne est élevé en Europe, et particulièrement dans notre pays (16%). Les fonds de pension s’y élèvent à 14 milliards d’euros. Tout récemment, la Banque Européenne d’Investissements vient d’octroyer un financement de 250 millions d’euros à la Wallonie pour la rénovation de son logement social (et une deuxième tranche pourrait être envisagée).

De son côté, Pierre Galand a confirmé que le logement fait dorénavant partie des priorités de tous les gouvernements. Il est important d’organiser des rencontres sur le thème afin de mettre sur pied un tissu de volontaires porteurs d’un projet, d’organiser une mobilisation, et ensuite d’aller vers les décideurs, et ce à un moment adéquat : celui des après-élections.

C’est Jean Malfroid, échevin du Logement à Morlanwelz, qui dans une première intervention fort intéressante et documentée, a dressé un tableau de la situation générale du secteur. Il a souligné d’emblée les caractéristiques du logement : il relève de la sphère sociale et sociétale, c’est aussi un bien de consommation et un objet de placement financier et de spéculation. Il est nécessaire de garder les 3 caractéristiques en mémoire. Après avoir décrit la crise du logement, qui selon lui atteint le niveau des années d’après-guerre (45-48), il pointe du doigt le manque de confiance réciproque entre le secteur privé et le public, partenariat pourtant nécessaire pour amorcer une politique du logement.

Jean Franz Abraham est administrateur délégué des Carrières de la Pierre Bleue Belge de Soignies. Son entreprise emploie 240 personnes, dont 180 ouvriers. Un questionnaire a été distribué aux travailleurs, auquel un tiers a répondu. Il en ressort que 60% des travailleurs sont propriétaires de leur logement, 20% sont locataires (dont 3 d’un logement social) et 20% vivent encore dans leur famille. Les travailleurs consacrent en moyenne 30% de leurs revenus au loyer ou au remboursement d’un emprunt. Le personnel habite de plus en plus loin du lieu de travail, car les loyers et prix des terrains y ont fortement augmenté. Ce qui entraîne une augmentation non négligeable des frais de transport.
En terminant son intervention, M. Abraham a souligné la forte concurrence de pierre en provenance de Chine, moins chère évidemment, mais qui n’apporte pas de retombées sur l’emploi, les cotisations sociales, différentes taxes, etc.

C’est ensuite à José Garcia, Secrétaire général de l’Association des Locataires, qu’il revint de défendre l’idée du blocage des baux et des loyers, à titre temporaire, comme solution urgente à la crise du logement dans la perspective immédiate d’une objectivation des loyers de base. En effet, il faut 3 ans minimum pour mettre un nouveau logement sur le marché et il est urgent de ne pas accroître la crise entre-temps. N’oublions pas que 80% des propriétaires ne possèdent que le bien qu’ils occupent. Une mesure de blocage ne toucherait donc que 20 % de propriétaires. José Garcia a aussi rappelé que globalement 30 milliards de francs belges sont consacrés au logement social, alors que les pouvoirs publics octroient bien davantage en aide aux revenus moyens et supérieurs (sous forme d’avantages fiscaux par exemple). Il demande donc un investissement massif dans le logement social, ou même dans l’aide à l’acquisition à la propriété pour les revenus modestes.

Sonia D’Elia, Coordinatrice de l’Agence Immobilière Sociale de La Louvière-Manage, a décrit le travail important de réinsertion sociale de l’AIS, son rôle de médiateur entre locataire et propriétaire et le lien qui est ainsi restauré entre les deux parties qui se voient assurer sécurité et stabilité. Cette AIS gère 94 logements, principalement privés, et largement occupés par des allocataires sociaux.

Paul Trigalet, Vice-Président de « Solidarités Nouvelles Wallonie » (association de locataires), partenaire du RBDH et du VOB, a rappelé l’action de son organisation vers les plus faibles, sans oublier les personnes habitant dans des caravanes ou des chalets de camping (8.514 personnes recensées, chiffre probablement en dessous de la réalité). Le Hainaut est la deuxième province où vivent le plus de personnes en caravane/chalet. A Charleroi, 407 personnes sans logis. Et de souligner que 1.748 logements seront détruits –déconstruits ?– dans l’opération du milliard d’euros de la région wallonne. Une tour sera détruite à Ghlin : ses habitants ont été « invités » à chercher un autre logement. Où ? et à quel prix ?
En terminant son intervention, M. Trigalet a énoncé quelques propositions de pistes constructives : associer les propriétaires à la politique du logement, associer les associations de propriétaires et de locataires à l’élaboration des mesures et règlements décidés au niveau politique, mettre en place une médiation paritaire du logement (comme cela existe déjà en Hollande par exemple) pour l’établissement d’un barème des loyers selon des critères objectifs, réviser le revenu cadastral (à établir sur base du revenu réellement perçu, ce qui favoriserait les propriétaires qui pratiquent des loyers abordables.

Jean van Caloen, Directeur de la société Sigma (Services for Investment Governance and Management Assets) a quant à lui, fait une intervention plus technique sur les intérêts des fonds de pension en matière de marché obligataire pour des investissements à dimension sociale. Qui sont les investisseurs institutionnels ? Ce sont :

1. Les fonds de pension (ce sont des asbl) : 200 asbl ont ainsi été créées par les grandes entreprises pour gérer les réserves de pension extra-légale. Un travailleur sur 3 en bénéficie en Belgique.
2. Les compagnies d’assurance : assurances vie et de groupe sont ici concernées.
3. Certaines SICAV obligataires qui sont prêtes à investir dans le social pour autant que le taux d’intérêt soit attrayant.

Ces investisseurs ont des exigences de sécurité, de rendement et de liquidité.
Le plus grand emprunteur actuel, c’est l’Etat, qui émet des emprunts classiques. Ce qui est banal se vend mal. On parle aujourd’hui de « emprunts indexés », plus attrayants.
Par ailleurs, les placements immobiliers retiennent l’intérêt suite à la crise boursière.
Il existe donc une ouverture des investisseurs institutionnels vis-à-vis de projets tels le logement, mais le rôle des pouvoirs publics est primordial. Car ce sont eux qui doivent apporter leur garantie (niveau fédéral ou Régions). Dans ce cas, un taux d’intérêt indexé de 3% serait acceptable.

Pour clore les interventions de la matinée, Philippe Ballez (du service logement du CPAS de La Louvière) a apporté l’éclairage d’un assistant social faisant face chaque jour à la détresse d’une population fragilisée. La perte d’un logement, c’est aussi la perte d’une identité régionale. Les centres d’hébergement sont insuffisants, de même que les logements de transit (14 à ce jour, bientôt 7 supplémentaires espérés). Il a plaidé en faveur d’un échevinat du logement englobant tous les acteurs du logement. De nombreux outils existent, il faut les mettre en application et agir à tous les niveaux possibles.

Nicolas Lemaître, représentant de la Banque Ethias (anciennement SMAP), signale que la banque s’adresse aussi bien à des collectivités qu’à des individus et au secteur non profit. Ethias fait du crédit social : 6 sociétés de crédit social à Bruxelles.
Si les projets ont le soutien des pouvoirs publics, les taux d’intérêts demandés seront moindres. De même, il vaut mieux regrouper les projets pour diminuer le coût.
L’intervenant a cité une expérience originale : le CPAS d’Hasselt à lancé un emprunt obligataire avec la garantie de la ville de Hasselt. 39 flats y ont été construits par une firme privée (leasing immobilier sur 30 ans).
Les banques possèdent des immeubles à bureaux. A la question de savoir si Ethias, compagnie d’assurance, pourrait se lancer dans la construction de logement (immobilisation de capitaux), la réponse est plutôt frileuse : ce serait moins rentable, c’est à envisager, de toute façon il faudrait créer une filiale pour ce faire. Et pour M. Lemaître aussi, dans ce cas, le partenaire idéal serait la Région ou l’Etat fédéral.

Quant à Francis Carnoy, Secrétaire général de la Confédération de la construction wallonne, il fit un exposé très fouillé, partant du contexte général de la revalorisation du cadre de vie et de l’habitat urbain, rappelant l’importance économique et sociale du secteur de la construction, et énonçant un certain nombre de souhaits-revendications du secteur pour le relancer. Epinglons les points suivants :

L’INS prévoit que la population va continuer d’augmenter jusqu’en 2050. La demande en logement va donc croître. Il faut réhabiliter les centres villes. On parle de « remembrement urbain ».

Le déclin urbain découle du sous-investissement des pouvoirs publics. Les financements doivent se trouver au niveau de PPP (Partenariat Public Privé).

En matière de fiscalité immobilière, le secteur de la construction est demandeur d’un taux de TVA modéré. La TVA réduite de 6% applicable aux travaux de rénovation, vient à échéance fin 2005. Le secteur demande que la mesure devienne définitive.

Le secteur demande également que les ZAP (zones d’action positive) soient élargies, que la déductibilité pour travaux de rénovation soit renforcée en général, et que soit instauré un système d’agréation des entreprises (pour freiner le travail en noir). Le plus grand producteur de CO2, avant l’industrie, ce sont les habitations non isolées. Tout le monde a donc intérêt à mettre des incitants financiers en place pour la réalisation des travaux nécessaires.

De même, si une opération « logement » de grande envergure devait être lancée, le secteur souhaite qu’elle se fasse au grand jour : pas de travail en noir ! Le secteur n’est pas non plus favorable à la directive Bolkestein, car son application permettra une concurrence déloyale.

Il faut aussi tenir compte des retombées sur l’emploi, et pas seulement des dépenses engagées… Le secteur est le plus intensif en main d’œuvre. Un million d’euros investi dans la construction génère 11 emplois directs annuels et 5 emplois indirects (matières premières généralement trouvées sur le marché local). La construction représente 10% de l’emploi wallon.

Un milliard d’euros d’investissement public : son effet retour se situe entre 40 et 80% via les cotisations sociales, les impôts, les différentes taxes, etc…

De nombreux autres sujets ont été évoqués lors des échanges entre participants et intervenants. Citons la péréquation cadastrale, les bureaux vides et les espaces vides au-dessus des magasins, le problème de la sous-traitance dans le secteur de la construction, les marchés publics et les prochaines nouvelles règles européennes en la matière, etc.

La réflexion sera poursuivie et approfondie au cours de colloques qui seront organisés à l’automne à Bruxelles et à Liège. Dans ses conclusions, et remerciant vivement les intervenants pour la qualité de leurs contributions, Pierre Galand a souligné l’importance de capitaliser les informations, de rassembler les contributions, de cerner une série de questions à partir desquelles seront identifiés les orateurs pour les prochaines rencontres.


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