Réponse de Pierre Galand 
à l’interview de Joël KOTEK « L’antisionisme de gauche »*


Si Joël Kotek n’était pas obsédé par la seule manière de pourfendre tous ceux qu’il juge comme étant des ennemis d’Israël, il aurait fait l’effort intellectuel minimum d’objectiver non seulement la situation prévalant en Israël depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Sharon mais aussi le parcours qui est le mien.

Dès le lancement d’Oxfam, dont j’ai assuré la destinée pendant trois décennies en tant que Secrétaire général, mon combat pour le développement fut articulé sur trois principes : le droit des gens, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et enfin la paix par le désarmement et la coopération pour la sécurité. Ces principes trouvent d’ailleurs leur fondement dans les actes constitutifs des Nations unies, la Charte ainsi que le corpus des valeurs que les progressistes, soucieux de la construction de l’Etat de droit, ont toujours promu et défendu.

Tout au long de ma carrière, j’ai été guidé par ces principes et enrichi par les messages reçus et partagés avec des personnalités et des groupes populaires rencontrés au cours de cette aventure humaine que représente Oxfam. Je rappellerai quelques figures inoubliables : le colombien Camilo Torres, le cap verdien Amilcar Cabral, le chilien Salvador Allende, l’archevêque brésilien Dom Helder Camara, le sud africain Desmond Tutu, le nicaraguayen Ortega. Mais aussi tant et tant d’autres militants anticolonialistes congolais, algériens, indiens et parmi eux, Naïm Khader, qui me fut très proche et dont je partage le rêve d’aboutir par le dialogue à une paix juste et durable aux Proche-Orient.

Je me revendique internationaliste, tiers-mondiste, pacifiste et cela signifie bien évidemment que je suis de gauche.  Mais pour Joël Kotek, tout cela semble insignifiant puisqu’il ne voit le monde qu’au travers d’une lunette braquée et figée sur nos seuls jugements relatifs à Israël. L’Association Belgo-Palestinienne (ABP), que je préside, a toujours été claire en réaffirmant à chaque fois le principe de « deux peuples, deux Etats » et en condamnant sans réserve tout acte de terrorisme s’agissant d’acte de violence contre des civils non armés. Nous sommes radicalement antiracistes et nous condamnons les actes antisémites et xénophobes. Ceci ne nous empêche pas dans le même temps de reconnaître le droit du peuple palestinien et de ses organisations à résister à l’occupation. L’ABP défend le droit à l’autodétermination du peuple palestinien qui est fondé sur l’ensemble des résolutions des Nations unies. Et nous nous battons sur ce terrain en coordination avec les mouvements israéliens anti-colonial et anti-guerre et avec de nombreux juifs.

Joël Kotek se trompe ou veut tromper son entourage en amalgamant la critique adressée au gouvernement Sharon à une attitude judéophobe ou anti-israélienne. De très nombreux israéliens et juifs de par le monde ont espéré faire d’Israël un Etat moderne, à l’image des démocraties occidentales et partageant le même socle de valeurs humanistes qu’ils contribuent à faire progresser en tant que patrimoine de l’humanité.  C’est au regard de ce socle de valeurs qu’il faut regarder le monde et Israël. Je me réjouis de constater qu’en Israël et en Palestine, des groupes travaillent pendant  ce temps à l’élaboration de propositions qui constituent une alternative aux options bellicistes et colonialistes du gouvernement Sharon. Soyons réaliste, Ariel Sharon, allié privilégié de Georges W. Bush, ne peut être soutenu par des progressistes et des humanistes. Pour terminer, je trouve que Joël Kotek fait preuve d’un simplisme regrettable. Israël n’est pas le pire Etat du monde, mais le gouvernement Sharon est sans nul doute l’un des pires pour l’Etat d’Israël.
Pierre Galand


* recueillie par Gaëlle Smet et parue dans le magazine REGARDS n°558

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