Pierre Galand est un fidèle. Il quitte aujourd'hui le Centre national decoopération au développement, pas ses convicitions. On le reverra, c'est sûr, dans toutes les manifestations de soutien du style.
S'il n'avait été pacifiste, il aurait porté la robe ou l'épée. Pierre Galand est un combattant, depuis toujours sur les barricades de la solidarité. Dès la fin de ses études d'économie, ce fils de bonne famille bruxelloise choisit son camp : au lieu de faire carrière dans la finance ou l'industrie, il entre à Oxfam-Belgique, alors présidée par le baron Allard, et transforme la branche belge de cette organisation non gouvernementale britannique en formidable machine de soutien à tous les peuples opprimés : Vietnam et Cambodge, Chili, Palestine, Sahara Occidental, Nicaragua, Afrique australe...
Les moyens d'Oxfam reposent essentiellement sur les magasins du monde, les récoltes de vêtements, les collectes de fonds et les dons, bref le militantisme, la générosité du monde associatif. Partout où les peuples souffrent, mais surtout entrent en lutte, Galand est là, et Oxfam enverra même des vêtements dans le maquis congolais de Laurent Désiré Kabila.
Oxfam, centrée sur le développement, subira plus tard la dure concurrence des ONG spécialisées dans les urgences médicales. Mais surtout, même s'il se déploie parfois dans l'aide d'urgence, Pierre Galand refuse d'être un humanitaire. Avant tout il est un politique, et ses combats ont pour objectif de changer la société, dans les pays du Sud mais aussi au Nord, où il s'agit d'éduquer la population, de lui faire prendre conscience des inégalités du développement, des relations économiques.
Cette vision politique du monde, certains diront même manichéenne, amènera Galand à démultiplier ses solidarités, et, parfois, à fermer les yeux sur les dérives de certains régimes, pour la seule raison qu'ils sont progressistes. De Cuba à l'Algérie des généraux, sans oublier l'Angola, l'Érythrée et bien d'autres, le temps fera un jour le tri de certains choix où la familiarité avec les dirigeants des luttes de libération a parfois remplacé le contact en profondeur avec les populations.
Si on ne compte plus les colloques, les manifs, les mouvements de solidarité dont Galand est la cheville ouvrière, l'heure de gloire de ce tribun au charisme peu commun est d'avoir, au début des années 80, rassemblé 300.000 personnes dans les rues de Bruxelles, qui s'opposent à l'implantation des missiles.
Incontournable, omniprésent, l'homme n'est cependant pas récupéré par les partis politiques, malgré ses sympathies du côté socialiste. Tout au plus ce « chrétien sociologique » devient-il un laïque convaincu, ce produit de l'UCL et du MOC accepte-t-il une chaire à l'ULB. Et lorsqu'il quitte Oxfam, c'est pour pouvoir multiplier les engagements bénévoles ! C'est ainsi qu'on le retrouve à la tête du Centre national de coopération au développement, où il organise les Assises de la coopération. Il reprend aussi de très anciens combats, pour la Palestine, omniprésente, pour le Sahara Occidental. Mais de nouveaux défis se présentent, pour l'allégement de la dette du tiers-monde, pour le commerce équitable, pour une Europe plus ouverte, plus solidaire.
Aujourd'hui démissionnaire du CNCD, Galand, qui garde ses cours à l'ULB, a encore du pain sur la planche, car si les yuppies, les golden boys, les fanas du marché l'ont jugé ringard, les nouvelles générations, plus politiques, ont trouvé dans ce jeune sexagénaire un nouveau gourou : un homme qui donne un sens à l'histoire, qui relie les combats d'aujourd'hui, contre la mondialisation, à Porto Alegre et ailleurs, aux luttes et aux idéaux tiers-mondistes des années 60. Bref, voilà un homme qui est resté fidèle à ses convictions, à ses amis et qui a mis sa vie au service de ses engagements. On vous le disait : s'il n'avait été libre penseur, il aurait pu être curé…
Pierre Galand en quelques dates
1940 Naissance le 28 juillet.
1967 Secrétaire général d'Oxfam Belgique.
1975 Secrétaire général et fondateur de la Concertation Paix et Développement et du Secrétariat international de la Sécurité et Coopération internationale. Président du CNAPD, Comité national d'action pour la paix et le développement.
1994 Président du CNCD, Centre national de coopération au développement.
Le Soir du samedi 20 avril 2002
© Rossel et Cie SA, Le Soir en ligne, Bruxelles, 2002
|